PLF 2011 : Interview de Pascal Buchet, Maire de Fontenay-aux-Roses, Conseiller général des Hauts-de-Seine et rapporteur de la commission des finances locales de l'Association des Maires de France pour Communes de France (novembre 2010)
1. Quels sont selon vous les points importants de cette loi de finances 2011 pour les collectivités ?
C'est une nouvelle loi contre les collectivités locales qui les asphyxie financièrement en diminuant les dotations d'État mais aussi par de nombreuses baisses de subventions directes ou indirectes dans tous les domaines (par exemple : enfance, petite enfance, jeunesse, logement social, politique de la ville, emploi, action sociale et sanitaire…).
Les Régions et les Départements frappés eux aussi de plein fouet sont contraints par répercussion de diminuer les subventions aux communes et aux associations. Avec la suppression de la clause de compétence générale, les associations n’auront plus que les communes pour les soutenir financièrement.
De plus, cette loi intervient au moment où l'État se désengage de ses responsabilités en transférant de nombreuses compétences (encore récemment dans le domaine de la sécurité publique) sans les moyens correspondants et impose sans cesse des normes aux collectivités locales entraînant des dépenses supplémentaires.
Tout cela contraint les collectivités locales à supprimer des services publics locaux ou à augmenter les impôts locaux dont tout le monde connaît le caractère injuste (car ils ne tiennent pas ou peu compte des ressources des ménages et reposent sur des valeurs cadastrales désuètes qui pénalisent ceux qui habitent dans le parc social) pour compenser ce désengagement massif de l'État.
Nous n'acceptons pas de devenir les boucs émissaires qui plus est montrés du doigt par le Gouvernement qui nous oblige à financer ses choix injustes en diminuant nos dépenses ou en augmentant les impôts à sa place.
La situation est intenable pour les collectivités locales qui sont devenues aujourd'hui le dernier rempart face aux désengagements de l'État et au recul des services publics, ces services publics qui sont pourtant le « capital de ceux qui n'en n'ont pas ».
2. Quel impact aura le gel des dotations de l'Etat tel que prévu sur trois exercices pour les collectivités locales ?
En réalité, ce n'est pas un gel mais une véritable baisse d'au moins un milliard d'euros pour les collectivités locales qui va toucher plus fortement encore, au moins 20 000 des 36 000 communes.
Et cela est d'autant plus choquant que le Gouvernement persiste à mener une politique fiscale injuste au profit des plus riches – avec le paquet fiscal et le refus d'une contribution plus forte des revenus du capital – et inefficace en matière d'emploi et de croissance.
Cette baisse est inacceptable car elle frappe les collectivités locales que l'État avait déjà affaiblies en supprimant la taxe professionnelle et en ne compensant pas l'intégralité des charges transférées. Elle est injuste aussi car les collectivités représentent moins de 10% du total de la dette publique et que chacun de leur emprunt est adossé à un investissement pendant que l'État emprunte pour payer ses dépenses quotidiennes et lance même un grand emprunt alors qu'il a doublé sa dette en 10 ans !
3. Dans ce contexte, quelles sont les perspectives d'investissement dans votre collectivité dans les prochaines années ?
En asphyxiant les finances des collectivités locales et donc leur capacité d'autofinancement et donc d'emprunt, tous ces choix gouvernementaux mettent en péril l'investissement public qui est pourtant un des principaux leviers de la croissance.
Ces choix sont dangereux pour l'activité économique car en effet les collectivités représentent plus 70% de l'investissement public déjà en baisse de 3 points par rapport à l'année dernière (73%). A cela s'ajoutent les conséquences de la réforme territoriale qui supprime ou limite drastiquement les cofinancements au risque de compromettre l'aboutissement de nombreux projets d'équipements pourtant attendus par les habitants et qu'auraient pu mener les communes ou les EPCI.
De plus, les conséquences de la suppression de la TP et son corollaire, l'absence de visibilité à court et moyen terme des ressources en particulier des EPCI, interdit de prévoir des plans pluriannuels d'investissement ce qui va entraîner une forte et durable baisse de l'investissement public en France.
4. Qu'attendez-vous de la refonte de la péréquation telle qu'envisagée autour de la suppression de la Taxe Professionnelle ?
Il ne s'agit pas de la refondre car chacun sait qu'elle reste très marginale (moins de 10% des dotations) mais d'assurer une réelle et importante péréquation (entre 25 et 40%) afin de réduire les énormes inégalités territoriales qui s'ajoutent aux inégalités sociales. Et c'est bien là le rôle de l'État que d'assurer cette péréquation en donnant des moyens supplémentaires (péréquation verticale) aux collectivités qui ont peu de ressources et/ou dont la population a peu de revenus.
De plus, il est particulièrement choquant et injuste que l'État accentue les inégalités territoriales en continuant à verser d'importantes dotations à des villes riches dont la population a d'importants revenus ou qui ne respectent pas un minimum de solidarité comme par exemple toutes celles qui n'appliquent pas la loi SRU...
5. Sur ce sujet, le Gouvernement n'est visiblement pas au clair sur la péréquation communale ; en tant que Maire, que pensez-vous de la proposition de généralisation du dispositif du FSRIF ?
C'est un bon système comme pour la DSU et la DSR qu'il faut considérablement amplifier mais aussi améliorer en supprimant par exemple les effets de seuil afin d'éviter que les communes moyennes en fassent les frais. Mais cela ne remplacera jamais la nécessité d'une péréquation verticale financée par l'État dont c'est le rôle afin d'assurer l'égalité du citoyen quel que soit son lieu d'habitation.